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- Pixels
- Jeux vidéo
Depuis 2013, ce titre a marqué à sa manière l’industrie vidéoludique, en passionnant une communauté de joueurs et de créateurs pour le genre. Il a été réédité le 1erseptembre.
ParFlorian Reynaud
Temps de Lecture 6 min.
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Depuis le 1erseptembre, l’un des titres les plus joués au monde sur la plate-forme Steam (l’un des plus grands magasins vidéoludiques en ligne) est un jeu… auquel on ne joue pas vraiment. Cookie Clicker, vendu pour quelques euros seulement, compte à tout moment plusieurs dizaines de milliers de joueurs actifs, ce qui le place à quelques enjambées de superproductions comme Destiny2 et BattlefieldV.
Il est possible d’acheter des grands-mères, des usines à cookies, desfusées…
Dans Cookie Clicker, pourtant, il n’y a, à première vue, pas grand-chose à faire. Son concept initial est d’une simplicité enfantine. Un gigantesque bouton en forme de cookie apparaît à l’écran, et chaque fois que le joueur clique dessus, il gagne un cookie. Avec plusieurs biscuits, il peut alors acheter un doigt qui va cliquer à sa place pour automatiser le gain de cookies. Au fur et à mesure, il est possible d’acheter des grands-mères, des usines à cookies, des fusées, qui permettront de récolter, toujours plus vite et toujours plus facilement, davantage de cookies. Le seul objectif du jeu est simplement: amasser le plus de délicieux biscuits aux pépites de chocolat.
Dans la pratique, cette œuvre française dévoile petit à petit une réelle complexité, avec des actions à réaliser dans un temps limité, des mini-jeux, et une dimension stratégique qui nécessite parfois de remplir des tableaux Excel et de se replonger dans ses cours de mathématiques si l’on veut en découvrir tous les secrets – ce qui peut prendre des mois. Mais, dépouillé de ses artifices, Cookie Clicker reste une simple expérience humaine et addictive, un jeu qui repose presque uniquement sur l’envie d’amasser des cookies et de voir des nombres de plus en plus grands.
«La progression est addictive»
Depuis sa sortie, en2013, d’abord comme simple jeu en ligne, puis sur smartphone et, enfin, ce mois-ci, en version payante (mais identique à sa version gratuite) sur Steam, Cookie Clicker a amassé autant de critiques et de moqueries que de joueurs passionnés, par centaines de milliers, voire par millions. «Mon opinion est que les jeux comme Cookie Clicker exposent à vif un élément psychologique fondamental que d’autres genres préfèrent dissimuler: la progression est addictive», reconnaît «Orteil», de son vrai nom Julien Thiennot, développeur du jeu, dans un échange écrit avec LeMonde.
Les jeux comme «Cookie Clicker» ont l’avantage d’être honnêtes dans ce qu’ils demandent et ce qu’ils offrent au joueur
Nombre d’œuvres demandent aux joueurs d’investir leur temps. Les univers persistants, comme World of Warcraft et Final FantasyXIV, imposent des heures, des jours de travail pour faire gagner des niveaux à son personnage. Dans certains jeux de rôle, il est même courant de parler du «grind», ces heures passées à affronter en boucle les mêmes monstres pour engranger de l’expérience et pouvoir progresser dans l’histoire. Pour Orteil, les jeux comme Cookie Clicker ont l’avantage d’être honnêtes dans ce qu’ils demandent et ce qu’ils offrent au joueur. «La différence entre des jeux comme World of Warcraft et Realm Grinder [un jeu similaire à Cookie Clicker], c’est que le premier tente de camoufler cela sous des strates de systèmes compliqués (…), tandis que le deuxième s’en revendique explicitement», souligne le développeur.
Cookie Clicker est le représentant le plus connu d’un genre dont la popularité a explosé en dix ans et dont le concept interroge les ressorts fondamentaux du jeu vidéo. En2002, le développeur Eric Fredricksen a publié le très parodique ProgressQuest, inspiré du jeu de rôle multijoueur EverQuest. Ce programme consistait principalement à regarder une partie de jeu de rôle se dérouler en direct. Un personnage affrontait des monstres, entreprenait des quêtes et gagnait des niveaux, mais sans que le joueur n’ait quoi que ce soit à faire, ce qui le transformait en simple spectateur de la progression du héros. Mais c’est dans les années 2010 que d’autres jeux de ce type ont commencé à fleurir sur Internet.
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Genre d’une richesse extrême
Aujourd’hui, on les appelle «jeux incrémentaux», «clickers» ou «jeux inactifs» (idle games), une catégorie aux contours flous et qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de titres. Cookie Clicker lui-même est, de l’aveu de Julien Thiennot, inspiré de CandyBox2, un titre graphiquement bien plus fruste, mais dans lequel on engrange déjà des sucettes (au lieu de cookies).
Il existe une quantité infinie de variations sur ce même thème. ADarkRoom, par exemple, rend hommage aux vieux jeux textuels. Le court mais enthousiasmant Spaceplan enrobe son jeu d’un scénario simple mais efficace. ThePrestige Tree, de son côté, choisit la complexité, le joueur devant jongler entre des dizaines d’éléments interagissant entre eux, et demandant une réflexion stratégique. On trouve aussi des simulateurs de vie, comme GroundhogLife, des univers cyberpunk comme Bitburner ou Skynet Simulator, des jeux scientifiques comme Antimatter Dimensions et Derivative Clicker. En2014, des scientifiques du CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, ont même développé leur propre jeu incrémental, ParticleClicker.
Avec les «idle games, on ne perd pas, on gagne seulement plus lentement!», explique Julien Thiennot
Ce genre nouveau d’une extrême richesse conserve cependant une constante fondamentale: tout repose sur des périodes d’attente et d’inactivité. «Au centre, il s’agit essentiellement de prendre soin d’un bonsaï; vous vous en occupez aussi bien que possible, puis vous le regardez pousser», explique Julien Thiennot. «Un autre élément quasi universel aux idle games: on ne perd pas, on gagne seulement plus lentement!», ajoute le développeur français.
Les jeux les plus connus ont de véritables communautés de passionnés, les internautes rédigent des guides détaillés pour les nouveaux arrivants, élaborent des stratégies, fouillent le code à la recherche de failles pouvant être utilisées pour tricher, et font même des speedruns, sortes de concours où il faut finir un jeu dans un temps record.
Le Monde
Offre spéciale étudiants et enseignants Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 6,99€/mois au lieu de 12,99€. S’abonnerQu’est-ce qui motive tant d’internautes à se passionner pour des jeux aussi longs, certains nécessitant plusieurs semaines, voire plusieurs mois d’attention, alors qu’il n’y a, en général, rien à gagner? Sur Incremental Games, le principal forum spécialisé dans ce genre et rassemblant près de 100000internautes, les joueurs reconnaissent volontiers l’aspect addictif de ce genre, qui récompense régulièrement l’utilisateur sans lui demander d’efforts intenses. «Je pense qu’avoir une réelle sensation de progression est une échappatoire aux difficultés de la vie», estime une joueuse. Ce sentiment trouve régulièrement écho sur le forum, certains membres parlant de l’effet thérapeutique de ces jeux, tout en alertant sur leurs potentiels effets nocifs. Ces deux faces de la pièce sont d’ailleurs comprises par les modérateurs, qui affichent sur le forum des liens vers des ressources autour de l’addiction au jeu.
Le paradis du jeu amateur?
Depuis la sortie de Cookie Clicker, on ne compte plus les créations qui s’en inspirent. Sur Incremental Games, chaque mois voit arriver son lot de nouveaux jeux, des développeurs amateurs présentant leur nouvelle production avec plus ou moins de succès. Alors que d’autres genres requièrent des modèles 3D complexes ou un moteur physique coûteux, nul besoin de cela ici. «Les idle games ont évolué dans une culture visuelle et technique qui n’a aucun complexe à rester très simple, ce qui en fait un milieu très accessible pour apprendre un langage de programmation et se concentrer sur de nouvelles idées», affirme Julien Thiennot, qui rappelle que certains des jeux incrémentaux les plus célèbres consistent en du simple texte sur un fond uni.
Reste-t-il de la place pour l’innovation? «J’ai la sensation que, dans ce genre, le marché est saturé, il y a tellement de jeux et d’idées que si je devais sortir un nouveau jeu, ça ne serait qu’une goutte d’eau dans un seau, ça n’aurait rien de spécial», estimait, en2020, le créateur de ADarkRoom, Michael Townsend, dans une interview accordée à Retora Games.
«Les idle games sont un environnement fertile; il y a de nouvelles idées qui naissent tous les jours, ça se met à toutes les sauces!», tempère Julien Thiennot. D’autant plus que le genre peut irriguer le reste de l’industrie du jeu vidéo. Comme LoopHero, sorti en début d’année et édité par Devolver Digital, qualifié par beaucoup d’internautes d’hommage aux jeux incrémentaux. «Le concept de l’idle game est si simple et versatile [qu’]il s’inscrit aisément dans d’autres jeux», souligne le créateur de Cookie Clicker.
Lire notre test : On a testé… les boucles temporelles et vertigineuses de «LoopHero»
Florian Reynaud
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